
selon Universalis
Jésus n’ayant laissé aucun écrit, son enseignement fut transmis oralement par ses disciples qui le relirent en fonction de leur expérience et de leur situation historique.
Ces traditions orales ou catéchèses, mises par écrit dans un premier temps sous des formes pour lesquelles nous sommes réduits à des hypothèses, sont rassemblées et publiées dans la seconde moitié du Ier siècle, donnant naissance aux quatre Évangiles.
S’il n’y a pas unanimité sur la personne des auteurs traditionnels, ni sur la datation, il y a cependant un consensus sur quelques points.
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Les Évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc) puisent à des sources communes.
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L’Évangile de Marc, le plus ancien, écrit vers 70, correspondrait à la prédication de Pierre à Rome.
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L’Évangile de Luc, écrit vers 80-90, s’adresserait à des chrétiens venus du paganisme.
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L’évangile de Matthieu écrit dans ces mêmes années 80-90 s’adresserait à des chrétiens venus du judaïsme.
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L’Évangile de Jean, plus marqué par la pensée grecque, aurait été écrit dans les années proches de l’an 100, certains donnant une date plus tardive encore pour le prologue.
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Il y a un an La Croix notait que 34 millions de bibles avaient été diffusées dans le monde en 2016, et que 360 millions de livres, en premier lieu le Nouveau Testament ou des volumes reprenant les seuls évangiles, tirés de cette matrice, s’étaient ajoutés à cette impressionnante cohorte. On a cessé depuis bien longtemps de chiffrer le nombre de traductions.
Après des siècles d’une si large diffusion, le Nouveau Testament a des airs d’évidence :
• d’un côté les quatre évangiles, ceux de Matthieu, Marc, Luc et Jean et les Actes des apôtres,
• à l’autre extrémité la saisissante et obscure Apocalypse,
et entre ces deux pôles
• vingt épîtres, c’est-à-dire des lettres, dont treize attribuées à Saint Paul, et d’autres à Jacques, Pierre, Jude et Jean. Pourtant, considérer qu’un tel codex allait de soi, ou est aussi vieux que le christianisme, serait une erreur.
Pendant les premières décennies de leur religion, les chrétiens commentaient les textes de la bible hébraïque plutôt qu’ils n’écrivaient leurs propres récits de référence.
Puis, progressivement, la tendance s’est inversée, voyant les fidèles du message de Jésus relater de nombreuses manières l’existence et les paroles du crucifié. Il a alors fallu que l’Eglise intervienne pour mettre de l’ordre dans cette profusion, et fixe un canon en même temps que les textes sur lesquels tous les croyants pouvaient s’appuyer. C’est au cours du IIe siècle que les choses se sont décantées.
Mais pourquoi l’Eglise a-t-elle consigné côte-à-côte quatre évangiles et non trois ou cinq ? Pourquoi ceux-là ? Et pourquoi a-t-elle écarté et plongé dans l’oubli le Diatessaron, la tentative de fondre en un seul les quatre évangiles unanimement reçus?
Curieusement, c’est à l’un des premiers hérétiques connus de l’histoire de l’Eglise que l’on doit le coup de pied à la fourmilière qui aboutira au corpus que l’on connaît aujourd’hui. On l’appelle Marcion, la tradition le dit venu du Pont, né de l’évêque de Sinope, à une époque où le célibat ne se pratiquait pas encore. On sait qu’il a débarqué à Rome en 140 et, homme riche, a fait un don généreux à l’Eglise… avant pourtant d’être écarté dès 144.
Marcion professait une doctrine selon laquelle il existe deux dieux : le premier a créé le monde, est raconté dans ce que l’on appellerait l’Ancien Testament, tandis que le second est annoncé par Jésus, et doit supplanter son prédécesseur.
Marcion pense que la plupart des apôtres et des évangélistes ont mal compris le message de Jésus. Seuls Paul, et son disciple Luc, sont selon lui restés dans la bonne voie. C’est pourquoi il ne valide en tout et pour tout que l’évangile de Luc et les lettres de Paul.
On prête souvent à Marcion d’avoir inventé l’expression de “Nouveau Testament“. “A strictement parler, l’idée de “Nouveau testament” était déjà chez Paul. Ou plutôt chez Paul, on parle de l'”ancienne Alliance” et de l’“Alliance nouvelle“, explique Dominique Cerbelaud.
Désavoué, mis à l’écart, son livre chrétien, réduit à la portion congrue, rejeté, Marcion a pourtant enclenché un vaste mouvement saisissant toute une Eglise, désormais en quête d’un ensemble fixe d’écritures saintes bien à elles. “Il a fallu faire pièce à son intuition selon laquelle il fallait construire sur un corpus scripturaire”, reprend Daniel Marguerat.
Un grand adversaire de Marcion va jouer un rôle primordial dans cette tâche: Irénée de Lyon. Originaire d’Asie mineure, et devenu évêque de Lyon, il est un des pères de l’Eglise. Soucieux de proposer un Nouveau Testament sur lequel tout le monde s’accorde, il redoute, au moment où il s’attelle à cette mission, vers 180, non pas le vide mais plutôt le trop-plein. “L’objectif premier, c’est de se trouver un dénominateur commun pour bâtir une orthodoxie, pas de se faire une bibliothèque”, lance Daniel Marguerat.
En effet, qui veut alors réunir un Nouveau Testament ne doit pas écrire mais faire le tri. A la fin du IIe siècle, le christianisme est déjà plus riche en sensibilités, courants, disputes qu’il ne le sera par la suite. A son époque, il y avait pléthore d’évangiles. Une centaine, peut-être, circulaient. Les gnostiques, par exemple, en avaient écrit une quantité, dont l’Evangile selon Thomas. Il y avait aussi les évangiles judéo-chrétiens comme l’Evangile des Nazaréens ou celui des douze apôtres. Irénée prend le parti d’éliminer les uns et les autres”, détaille Dominique Cerbelaud. “En quelque sorte, Irénée de Lyon est un centriste et il élimine les textes les plus extrémistes”, sourit ce dernier. Quels ont été les critères, personne ne pourra vraiment vous le dire. Même si on a des hypothèses”, répond Daniel Marguerat. Dominique Cerbelaud avance la sienne : “Il s’est fondé sur deux critères, l’ancienneté et l’unanimité”. Récuser l’Evangile de Jean, ça aurait été se couper des Eglises d’orient, récuser celui de Marc serait revenu à se couper des communautés latines”, pose Daniel Marguerat. Si les raisons d’accepter ces quatre évangiles paraissent claires, le chiffre n’a rien d’évident. Pourtant, Irénée de Lyon a abordé ce point ouvertement dans son ouvrage Contre les hérésies. Force est de constater que l’argument est aussi alambiqué que daté.
“Il ne peut y avoir ni un plus grand ni un plus petit nombre d’Évangiles (que quatre). En effet, puisqu’il existe quatre régions du monde dans lequel nous sommes et quatre vents principaux, et puisque, d’autre part, l’Église est répandue sur toute la terre et qu’elle a pour colonne et pour soutien l’Évangile et l’Esprit de vie, il est naturel qu’elle ait quatre colonnes qui soufflent de toutes parts l’incorruptibilité et rendent la vie aux hommes. D’où il appert que le Verbe, Artisan de l’univers, qui siège sur les Chérubins et maintient toutes choses, lorsqu’il s’est manifesté aux hommes, nous a donné un Évangile à quadruple forme, encore que maintenu par un unique Esprit”, écrivait l’évêque.
Daniel Marguerat écrit : “Il a construit une symbolique sur quatre mais l’aurait faite sur trois s’il avait gardé trois textes”. Dominique Cerbelaud s’intéresse davantage à la grande méfiance du penseur à l’idée d’un évangile unique. Il dit aussi que les hérétiques ne gardent qu’un seul évangile. ” Les judéochrétiens ne connaissent que Matthieu, Marcion ne connaît que Luc, les gnostiques que Jean et il invente probablement une quatrième catégorie ne lisant que Marc”, nous dit notre interlocuteur qui souligne qu’il y a “une vraie réticence face au texte unique”. Par conséquent, à la fin du IIe siècle, l’Eglise n’a pas fait que choisir les contours de son livre saint. Elle a opéré un choix risqué et original : s’en remettre à une pluralité de points de vue, parfois parcourus de dissonances, pour traverser les épreuves et le temps. 1.800 ans plus tard environ, on est en tout cas loin d’avoir fait le tour du sujet.
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Le Nouveau Testament comprend, selon l’ordre du canon occidental :
- les quatre Évangiles canoniques (Évangiles selon Matthieu, Marc, Luc, Jean) ;
- les Actes des Apôtres ;
- les 13 Épîtres de Paul, dont la moitié est l’œuvre de Paul de Tarse ;
- l’Épître aux Hébreux ;
- d’autres épîtres, dites « catholiques » (au sens de « universelles »), attribuées à différents disciples : Simon-Pierre, Jacques le Juste, Jean de Zébédée, Jude ;
- l’Apocalypse.
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Le canon se limite à 27 livres par décision de l’Église au concile de Rome en 382. Ce canon a été confirmé aux synodes régionaux de Carthage en 397 et en 419
. Jusqu’aux dernières années du IV è siècle, il exclut l’Épître aux Hébreux
Certaines Églises orthodoxes n’ont pas inclus l’Apocalypse dans leur canon.
La rédaction des différents ouvrages qui constituent le corpus néotestamentaire s’étale sur une période comprise entre 50 et 130 après JC. Une partie de cette littérature est organisée sous forme canonique au IV è siècle et prend alors le nom de « Nouveau Testament ».
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L’Évangile selon Matthieu
Il est le premier dans l’ordre canonique des quatre Évangiles canoniques contenus dans le Nouveau Testament. Il est attribué par la tradition chrétienne à l’apôtre Matthieu, collecteur d’impôts devenu disciple de Jésus-Christ, mais cette attribution n’est pas reconnue par les historiens. En tout état de cause, ce texte date des années 70-80 ou 75-90, selon les chercheurs, et semble provenir d’Antioche où vivait l’une des toutes premières communautés chrétiennes.
Cet évangile s’adresse avant tout aux Juifs pour leur démontrer à l’aide de l’Ancien Testament que Jésus-Christ est réellement le Fils de Dieu et l’Emmanuel (« Dieu avec nous ») depuis le début, le fils de David, l’héritier de tous les rois d’Israël et le Messie qu’ils espéraient. Dès l’entrée, Jésus est présenté comme Sauveur (cf. Mt 1,21), Emmanuel (1,23), roi (2,2), Messie ou Christ (2,4), Fils de Dieu (2,15), en accomplissement de toutes les prophéties.
Le nom de « fils de David », qui lui est associé et qui revient en dix occurrences, présente Jésus comme le nouveau Salomon : en effet, Jésus s’exprime comme la Sagesse incarnée. En vertu du titre de « Fils de l’homme », qui parcourt l’évangile, et qui provient du prophète Daniel, Jésus se voit doté de l’autorité divine sur le Royaume de Dieu, aux cieux comme sur la terre.
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L’Évangile selon Marc
L’évangile selon Marc est le deuxième (par sa place) des quatre Évangiles canoniques et aussi le plus bref. Il est très probablement le plus ancien, avec une date de rédaction située en 65-70 ou 65-75 selon les chercheurs.
La tradition chrétienne attribue sa rédaction à Marc, un compagnon de Paul puis de Pierre. Le personnage de Marc est mentionné dans le Nouveau Testament, notamment dans les Actes des Apôtres et les épîtres de Paul et dans la Première épître de Pierre. Cependant, pour les historiens, l’historicité de Marc est difficile à cerner.
Cet Évangile a pour particularité de présenter deux « finales » successives dans son seizième et dernier chapitre : l’une où les Saintes Femmes gardent le secret sur la Résurrection de Jésus et l’autre où elles l’annoncent.
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L’Évangile selon Luc
L’évangile selon Luc a pour auteur Luc (médecin et selon la tradition chrétienne, compagnon de Paul)10. C’est le plus long des quatre Évangiles retenus dans le Nouveau Testament. Il raconte la vie du Christ, même s’il ne l’a pas connu personnellement.
Rédigé vers 80-90, il est contemporain de l’Évangile selon Matthieu mais les exégètes s’accordent à estimer que ces deux évangélistes ont été écrits séparément, sans s’influencer. En revanche, selon la théorie des deux sources aujourd’hui acceptée par la quasi-totalité des spécialistes, Luc et Matthieu ont utilisé les mêmes sources, à savoir l’Évangile selon Marc et un recueil de paroles de Jésus nommé « Source Q » par les historiens.
Luc a composé également les Actes des Apôtres, qui sont la suite de son évangile et narrent les débuts de l’Église chrétienne. Les deux livres sont dédiés à « Théophile » (« ami de Dieu »), personnage réel ou symbole de tous les « amis de Dieu ». Le fait que Luc soit l’auteur de ces deux textes est admis par les historiens, non pas en raison de la dédicace ni même parce que le livre des Actes se présente comme la suite de l’évangile lucanien, mais parce que leurs styles littéraires sont identiques et qu’ils constituent un « ensemble littéraire à deux volets, dont l’homogénéité littéraire est avérée ». Les deux ouvrages sont à dater des années 80-90.
L’Évangile selon Jean
L’évangile selon Jean est le dernier et le plus tardif des quatre évangiles du Nouveau Testament. La tradition l’a attribué à l’un des disciples de Jésus, l’apôtre Jean de Zébédée. Cette attribution est rejetée par la plupart des historiens modernes, pour lesquels ce texte provient d’un auteur anonyme, ou d’une communauté johannique, et date de la fin du Ier siècle. L’hypothèse d’un Jean le Presbytre, distinct de Jean le fils de Zébédée, a été défendue par quelques exégètes, mais, en l’absence de témoignage explicite dans la tradition ou d’allusion dans le quatrième évangile lui-même, cette théorie ne parvient guère à convaincre.
Cet évangile se démarque des trois synoptiques par des différences notables, notamment par sa composition, sa chronologie, son style, son contenu, sa théologie, et probablement par ses sources.
Sur le plan de la doctrine trinitaire, cet évangile est le plus important en matière de christologie, car il énonce la divinité de Jésus.
Le récit des Actes des Apôtres,
Cinquième livre du Nouveau Testament, est la seconde partie de l’œuvre dédicacée à Théophile et rédigée par Luc, la première partie étant l’Évangile selon Luc. Le récit débute avec l’Ascension suivie de la Pentecôte et relate les débuts de l’Église primitive qui se constitua autour des Apôtres à Jérusalem et se répandit ensuite en Judée, Galilée et Samarie et dans les communautés juives de la diaspora, avant de se séparer d’elles.
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Parmi les Épîtres de Paul, 13 sont explicitement attribuées à Paul (l’Épître aux Hébreux étant anonyme)
- Épître aux Romains (Rm)
- Première épître aux Corinthiens (1 Co)
- Deuxième épître aux Corinthiens (2 Co)
- Épître aux Galates (Ga)
- Épître aux Éphésiens (Ép)
- Épître aux Philippiens (Ph)
- Épître aux Colossiens (Col)
- Première épître aux Thessaloniciens (1 Th) ( la plus ancienne selon François Vouga)
- Deuxième épître aux Thessaloniciens (2 Th)
- Première épître à Timothée (1 Tm)
- Deuxième épître à Timothée (2 Tm)
- Épître à Tite (Tt)
- Épître à Philémon (Phm)
Seules 7 d’entre elles ( ci-dessus en caractères gras) sont jugées authentiques par la majorité des historiens : Rm, 1 Co, 2 Co, Ga, Ph, 1 Th et Phm. On les appelle « épîtres proto-pauliniennes »
Épîtres universelles
Les Épîtres universelles ou Épîtres catholiques viennent immédiatement après les Épîtres de Paul. Ce sont une épître de Jacques, deux de Pierre, trois de Jean et une de Jude. On les appelle universelles ou catholiques car elles étaient adressées à un public plus large que celui des épîtres de Paul, c’est-à-dire à l’Église entière ou universelle au lieu d’une église purement locale comme celle d’Éphèse ou de Corinthe.
Les Épîtres catholiques font partie du canon protestant aussi bien que de celui des Églises catholique et orthodoxe.
Apocalypse
L’Apocalypse ou Apocalypse de Jean, est le dernier livre du Nouveau Testament canonique.
L’œuvre a été composée vers la fin du Ier siècle. L’auteur dit lui-même se nommer Jean, il est censé résider à Patmos au moment de l’écriture du texte, et la tradition chrétienne l’a souvent identifié à l’apôtre Jean fils de Zébédée ou à Jean le Presbytre. Cependant, l’exégèse historico-critique évoque le plus souvent une « communauté johannique » établie à Éphèse. C’est un texte adressé à sept Églises d’Asie mineure (autour d’Éphèse) qui les encourage face aux persécutions romaines (ou tout au moins, aux pièges de l’idolâtrie), et qui décrit en termes symboliques les grandes étapes (ou épreuves) qui doivent précéder le retour du Christ.